Lettres du Conservatoire

Lettre Paysage - dec. 2012 - CEN-PC
Lettre Paysage - dec. 2012 - CEN-PC

Paysage, un autre regard sur le territoire régional, La lettre – déc 2012

Édito

Inventorier les paysages ou créer une mare, deux manières assurément très différentes « d’intervenir » sur le paysage. La première par le regard, la seconde par l’aménagement. Pourtant, c’est selon ces deux axes et de façon conjointe que l’antenne paysage du Conservatoire oriente son action.

En agissant à l’échelle locale ou régionale, en assemblant de la connaissance paysagère sur les territoires ou bien en mettant en œuvre son expertise au service de projets d’aménagements, la mission paysage crée du lien entre acteurs, apporte du sens aux projets et favorise l’appropriation par un large public de l’action Conservatoire.

Ainsi, depuis 2006, la prise en compte du paysage dans l’identification, l’aménagement et la gestion des sites a pris une part essentielle dans l’intervention du Conservatoire, conformément à sa stratégie à dix ans (2006-2016). Naturellement, une culture commune du(des) paysage(s) se construit peu à peu dans et autour du CEN.

Pourquoi ?
L’écoute, les efforts de compréhension des pratiques locales et des formes paysagères induites constituent des valeurs appréciées de tous. Produites par l’analyse paysagère, les représentations graphiques ou littéraires des espaces étudiés permettent d’appréhender collectivement les enjeux et menaces pesant sur les sites.

La démarche paysagère contribue pleinement à inscrire l’action du Conservatoire dans une dimension durable.

Serge Morin, président du Conservatoire d’espaces naturels de Poitou-Charentes.

Paysages emboîtés

L’Atlas des paysages de Poitou-Charentes identifie et décrit différentes facettes du territoire régional. Mais pour ce faire, il prend appui sur des expertises et des représentations d’échelles différentes. Les exercices cartographiques, combinés à l’expérience de terrain, ont permis cette construction emboîtée.

Quel en est l’objectif principal ?

Quelles que soient l’échelle et la nature du travail sur le paysage -simple reconnaissance, analyse ou projet-, il est toujours possible de se (re)situer par rapport à une entité plus vaste.  Dans l’exemple de l’unité paysagère « la Gâtine de Parthenay », celle-ci appartient à la famille paysagère des bocages, qui elle-même correspond à un type de paysage retrouvé ailleurs en France ou en Europe.

Sur le terrain, l’information fournie par l’Atlas des paysages permet la localisation du territoire étudié dans son contexte paysager général. Cependant, c’est insuffisant pour nourrir concrètement et directement les enjeux d’aménagement d’un site car ce n’est ni le rôle ni l’échelle de l’Atlas.

Sous l’impulsion donnée par la Loi Paysage de 1993 et le Plan de connaissance et de reconquête des paysages de la Région Poitou-Charentes en 2004, les territoires se sont fortement engagés dans des démarches de Chartes paysagères et de Plans de paysage.

Ces travaux permettent, à leur échelle de travail, d’identifier et de caractériser les transitions et limites entre différentes unités paysagères. Comment « passe-t-on » de la Champagne charentaise aux Collines de Montmoreau ? Quels sont les éléments de paysage qui déterminent ces changements ? En fonction de leur nature et de leur organisation, ces « petites nuances » impliquent en termes de projet d’aménagement des réponses adaptées.

À cet échelon encore, l’expertise paysagiste, croisée aux autres expertises (géographique, naturaliste…), sont requises. Enrichie de l’épreuve du terrain, ce lien d’imbrication donne tout son sens à l’aménagement ou à la préservation des espaces. C’est sur ce sujet que l’antenne paysage du Conservatoire d’espaces naturels de Poitou-Charentes travaille au quotidien.

Débat, expertise et appropriation locale

Établi par l’Atlas régional des paysages, le découpage du territoire par entités paysagères constitue un terreau favorable à la discussion, à la critique sur la nature et la qualité même des paysages locaux.

La mosaïque régionale propose un niveau de regard sur le territoire, que des élus et experts travaillant à une échelle intercommunale vont pouvoir corriger, amender, critiquer, confronter au paysage vécu par les populations. C’est tout l’enjeu des chartes paysagères (une Lettre Paysage du Conservatoire est prévue en 2013 sur ces initiatives en région).

Indépendamment, les paysagistes du CEN en situation d’assistance technique à maîtrise d’ouvrage sur ce type de démarches, font partager les enjeux et modalités d’aménagement et de gestion de sites naturels.

Logique de réseau de sites dans l’action Conservatoire

La dimension paysage véhicule des valeurs porteuses de partage et de consensus qui se détectent lors de travaux d’études territoriaux. Nourri par l’enquête ou le recueil de témoignages, l’expert paysagiste élabore un diagnostic enrichi de valeurs historiques, culturelles, économiques ou affectives, exprimées autour des différents paysages.
L’identification de valeurs communes à un ensemble de sites est une préoccupation importante pour le Conservatoire, parfaitement intégrée à sa stratégie d’intervention. Tout nouveau site est en effet examiné selon deux approches croisées : l’une  s’attachant à mettre en exergue ses spécificités ; l’autre s’efforçant d’éclairer les communautés d’enjeux de gestion avec d’autres sites proches.

Les Borderies et fins bois - Atelier du sablier - CEN-PC

Les Borderies et fins bois – Atelier du sablier – CEN-PC

Lecture régionale des paysages… à partager

Après le Guide du paysage, les dispositifs de sensibilisation au(x) paysage(s) en région s’enrichissent désormais de l’exposition « Paysages de Poitou-Charentes ». L’action paysage de niveau régional est par ailleurs complétée par de la formation et sensibilisation auprès d’acteurs spécifiques (agents et techniciens de collectivités). Ainsi cette année par exemple, lors de sessions de formation organisées par la Région Poitou-Charentes, les « acteurs-relais » de la Trame Verte et Bleue (TVB) ont bénéficié d’un éclairage sur les différentes modalités de prise en compte du paysage dans la mise en œuvre de celle-ci.

Structures paysagères et essences d’origine locale

L’aménagement d’un site impose de respecter les structures paysagères locales, les espèces et leurs proportions. L’adaptation avérée de la végétation autochtone aux particularités locales de sols et de climat a conduit le Conservatoire à planter sur ses sites, dès 1999, des végétaux prélevés alentour et élevés en contrats de culture avec des pépinières.

Depuis 2007, le CEN anime avec Prom’Haies une réflexion qui implique ses partenaires régionaux pour l’approvisionnement en végétaux de cette qualité, introuvables sur le marché. Ils sont aidés par les compétences du Conservatoire Botanique National Sud-Atlantique. Des études sont en cours, à l’échelle régionale à leur initiative, mais également à l’échelle nationale avec l’association Arbres et Haies Champêtres, Plante et Cité et la fédération des Conservatoires Botaniques Nationaux, sous l’impulsion du ministère de l’Écologie et du développement durable. Ces études ont pour ambition de créer des filières de production de végétaux locaux, encadrées par des cahiers des charges. Ceux-ci seront axés sur la préservation d’un patrimoine génétique riche, principe de précaution pour que les plantations s’adaptent aux modifications climatiques en cours. Le Constructeur de la LGV-SEA est le premier maître d’ouvrage qui doit utiliser des végétaux d’origine locale dans ses aménagements paysagers. L’expérimentation prend là une dimension significative.


La mission paysage du Conservatoire d’espaces naturels de Poitou-Charentes bénéficie du soutien de la Région Poitou-Charentes dans le cadre du Plan régional de connaissance et de reconquête des paysages.