L’attachement aux paysages (Charente), La lettre – nov 2014

Fléac depuis Charente © ACO Centre d'Angers 2013
Fléac depuis Charente © ACO Centre d'Angers 2013

L’attachement aux paysages (Charente), La lettre – nov 2014

Édito

La trame environnementale et paysagère comme socle du projet de territoire de l’Angoumois
Les réflexions, dans le cadre du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT), ont fait apparaître le cadre de vie comme un pilier du développement du territoire, à la fois pour la préservation de la biodiversité, mais aussi pour la valorisation des paysages.

La réalisation d’un schéma sur la trame verte et bleue* a marqué cette volonté de lier plus étroitement urbanisme et environnement, mais aussi l’articulation entre enjeux urbains, péri-urbains et ruraux. Cette expérience s’est prolongée avec l’élaboration d’une Charte architecturale et paysagère à l’échelle de l’Angoumois.

Les richesses de notre territoire sont multiples. On y rencontre toutes sortes de paysages, couplés bien souvent à des zones humides, des boisements divers, des prairies et des plaines agricoles, sans oublier bien sûr le patrimoine bâti de nos villages et hameaux.

Conformément à la ligne que nous nous sommes fixée, nous avons partagé ces travaux avec l’ensemble des partenaires du territoire : communes, partenaires institutionnels, organismes agricoles et forestiers, syndicats de rivières… et le Conservatoire Régional d’Espaces Naturels qui nous a accompagné et aiguillé tout au long de notre démarche. Pendant plus de deux ans, nous avons échangé autour d’un document de référence avec des prescriptions et recommandations qui se déclineront dans les documents d’urbanisme des 38 communes.  

L’enjeu qui se présente à nous est d’agir avec tous les acteurs du territoire pour la mise en œuvre de ce schéma. Des projets vont émerger et se concrétiser afin de rendre le territoire de l’Angoumois toujours plus agréable et attractif pour nos habitants et ceux qui souhaiteraient y vivre.

Roland Veaux, Président du Syndicat Mixte de l’Angoumois

*outil d’aménagement du territoire visant à relier les milieux naturels entre eux pour créer un réseau écologique cohérent, et permettre ainsi aux espèces animales et végétales de réaliser leur cycle de vie dans les meilleures conditions.

Des Charentais fidèles à leur(s) paysage(s)

Au moment où l’Atlas des Paysages* révélait la diversité des paysages régionaux et notamment charentais (pas moins de 24 unités paysagères identifiées pour le département de la Charente !), nul n’aurait imaginé le nombre d’initiatives territoriales engagées par la suite en faveur de leur préservation et de leur reconquête.

Impliquant élus, techniciens et habitants, les Pays charentais se sont largement inscrits dans des démarches dynamiques d’identification et de reconnaissance des paysages : les Chartes paysagères. De quoi s’agit-il ? À un diagnostic paysager du territoire croisant les enjeux environnementaux, socio-économiques et écologiques, succèdent des séquences de travail prospectives : quelles orientations stratégiques pour enrayer la dégradation de tel paysage ? Quelles actions mettre en œuvre ? Avec qui ? Comment ? Avec quels moyens ?

Dès 1997, le Pays Ruffécois en précurseur départemental conduisait une démarche de ce type avec de jeunes étudiants paysagistes de l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux. Plus récemment (2011-2013), les Pays Sud Charente, Charente-Limousine et Ouest-Charente–Pays du Cognac ont également effectué leurs chartes paysagères. Le Syndicat Mixte de l’Angoumois vient d’adosser ce travail de Charte paysagère et architecturale à l’élaboration du SCoT**.

Mobiliser les compétences et savoir-faire de paysagistes, géographes et urbanistes au service d’un travail local  approfondi, révèle les valeurs et spécificités de chaque territoire. Et permet également d’orienter et de guider en matière d’urbanisme et d’aménagement, de construction, de préservation d’espaces… Le sens, la justesse et la contre-banalisation sont à ce prix.

En Charente, les Chartes paysagères concernent plus de 87 % du territoire, ce qui représente 92 % de la population départementale. Tout porteur de projet public ou privé peut à l’occasion de projets d’aménagement, de construction, s’il en fait l’effort, appréhender le contexte global, les sensibilités paysagères particulières et être attentif aux enjeux de paysage dans lesquels il se trouve, et où il envisage son (ses) projet(s).

*Atlas des paysages de Poitou-Charentes – CREN-PC 1999
**Schéma de cohérence territoriale

Du site ponctuel… à la trame

Conformément au Grenelle de l’Environnement, le schéma Trame Verte et Bleue identifie les espaces à enjeux du territoire et les possibilités de mise en place de corridors biologiques pour la faune et la flore entre ces différents espaces. Les politiques publiques sectorielles d’urbanisme (habitat, déplacements, développement économique, environnement, ressources…) doivent intégrer et prendre en compte les éléments apportés par ce schéma.

En Angoumois, de nombreux sites gérés par le CREN font non seulement partie de la trame, mais constituent des réservoirs de biodiversité majeurs. Et si, enfin, les Brandes de Soyaux, les Chaumes des Séverins, les Chaumes du Vignac, la Petite prairie de Saint-Yrieix ou encore la Vallée des Eaux Claires à Puymoyen figurent parmi ces sites primordiaux sur le plan écologique, ils participent dans le même temps fortement au cadre de vie. Leurs intérêts multiples -paysager, culturel, sportif…- en font des espaces vivants, appréciés, de ressourcement, car ils sont préservés.

Meulières de Claix panorama © CEN-PC

Meulières de Claix panorama © CEN-PC

Un cadre, puis de solides amorces de projets

Sur les phases « amont » du diagnostic de la Charte paysagère et architecturale de l’Angoumois, il s’agissait d’abord de s’appuyer sur les éléments de connaissance et de caractérisation apportés à d’autres échelles d’analyse, afin de les affiner à l’échelle de l’Angoumois. Si le CREN, en mobilisant notamment les données de l’Atlas régional des paysages, a apporté son expertise, la construction du diagnostic est l’œuvre d’un grand nombre d’acteurs. Par la suite, des ateliers thématiques ont été organisés courant 2013 avec pour objectif de décliner des enjeux en outils à destination des communes et acteurs concernés, repris dans le projet de SCoT. La Charte a pour vocation de « se doter d’un cadre cohérent et disposer d’un document référent pour tous les projets de territoire ; de définir son identité et de rendre ce territoire plus harmonieux et attractif, tout en préservant les diversités de chaque secteur ; de préserver la richesse paysagère et architecturale du territoire en proposant des outils aux acteurs et porteurs de projets publics et privés… ».

Un premier atelier pédagogique de paysage*, confié à Agrocampus-Ouest (Centre d’Angers), s’est intéressé au fleuve Charente. Le diagnostic a permis d’insister sur l’importance de la préservation et du maintien de la biodiversité existante si ce n’est pour elle-même mais aussi pour les paysages, le renforcement de la continuité de la Coulée Verte et la création de nouvelles connexions (piétons, vélos…) entre zones distinctes : par exemple, entre quartiers de ville et Coulée Verte, entre les deux rives et au sein de l’espace urbain. Cet atelier propose des réponses simples et concrètes, prenant pleinement en compte les usages et pratiques en place. Si l’accès au fleuve ne signifie par nécessairement l’accès physique et systématique à l’eau, un juste équilibre est recherché afin de permettre une bonne perception du fleuve, la poursuite, voire le développement d’activités sportives ou de détente, et une nécessaire distanciation pour raisons biologiques (tranquillité pour certaines espèces à certaines saisons de l’année).

Un second atelier pédagogique de paysage confié à l’École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois, s’est attaché plus particulièrement à développer des proposi­tions concrètes (projets, actions) d’aménagement des espaces des vallées des Eaux-Claires et de la Charreau à leur confluence avec la Charente, incluant la commune de Saint-Mi­chel, le secteur hospitalier, le campus universitaire et les voies ferrées de Bordeaux et de Cognac. À partir de l’iden­tification d’entités urbaines et paysagères, les étudiants ont développé des projets susceptibles de reconnec­ter des espaces de nature, d’organiser de nouveaux quartiers dans le respect et la valorisation de ces continuités écologiques et paysagères, tout en se référant explicitement au caractère industriel histo­rique marqué (papeteries).

*En région, les ateliers pédagogiques des Écoles Nationales Supérieures du Paysage s’inscrivent dans le cadre du Plan régional de connaissance et de reconquête des paysages de la Région Poitou-Charentes. Grâce à son soutien, le CREN (Antenne Paysage) établit des partenariats entre les écoles du paysage et les acteurs du territoire. Les études complètes sont accessibles sur demande formulée auprès du CREN.


Mise en pratique collective à l’échelle d’une commune

Témoignage

La préservation de la biodiversité est l’une des actions de l’Agenda 21 de la commune de La Couronne. Elle a démarré en 2011 par la réalisation de l’Atlas de la Biodiversité Communale, inventaire du patrimoine naturel réalisé par l’association Charente Nature. Suite à l’acquisition de cette connaissance « statique », la commune souhaite identifier les corridors reliant ces différents réservoirs afin d’en adapter la gestion.

En effet, les équipes techniques entretiennent de nombreux espaces qui participent de la trame verte et bleue : bords de route, chemins, espaces verts en ville. Or, depuis 2009, elles ont largement fait évoluer leurs pratiques d’entretien des espaces verts en mettant en place une gestion différenciée et en diminuant drastiquement l’usage des pesticides. Afin de poursuivre ces évolutions dans le domaine de l’entretien des espaces naturels, l’élaboration d’un plan de gestion sur une parcelle de pelouse propriété de la commune a été engagée au printemps dernier. Ce travail est réalisé par un élève de bac pro gestion des milieux naturels et de la faune du lycée de l’Oisellerie. Il a pu s’appuyer sur les précieux conseils de différents experts tels que le CREN, gestionnaire des pelouses des Séverins à proximité du site communal, la LPO animateur du site Natura 2000 « Vallées calcaires péri-angoumoisines » ou encore Charente Nature.

Parallèlement à ce travail sur la connaissance et l’entretien de la biodiversité, différentes actions de sensibilisation des habitants sont conduites depuis le lancement de l’Atlas de la Biodiversité Communale. Dernière en date, la randonnée organisée par les comités de quartiers des Rives de la Boëme et du Fauconnier des vignes blanches qui ont souhaité parcourir leurs quartiers à l’aune des travaux de la LGV en découvrant la flore remarquable.

Véronique Jean, responsable du Pôle Éducation, Enfance, Jeunesse, Développement durable à la mairie de La Couronne

Sur ces différentes actions, la commune de La Couronne a bénéficié d’aide financière de la DREAL Poitou-Charentes et du Fonds de Dotation pour la Biodiversité.