La Pierre Levée (Deux-Sèvres) La lettre – oct. 2016

Pierre levée friche argilo-calcaire après travaux 2015 © CEN-PC
Pierre levée friche argilo-calcaire après travaux 2015 © CEN-PC

La Pierre Levée (Deux-Sèvres) La lettre – oct. 2016

Édito

Aux confins des communes de Bougon et d’Exoudun, les « Sept Chemins », qui ont été conservés lors de la restructuration foncière, symbolisent le rayonnement du site sur le territoire. Son paysage de murets, accompagnant le magnifique dolmen de « La Pierre-Levée », domine la vallée de La Sèvre et méritait d’être respecté et mis en valeur. Le CREN, en assurant la gestion des terrains appartenant aux communes de Bougon et d’Exoudun a largement contribué à cette valorisation en partenariat avec différents partenaires, notamment :
– L’agriculteur du site gère les prairies avec des méthodes
extensives et peut percevoir des aides agri-environnementales.
– Les étudiants du Lycée Agricole de Melle, spécialisés
dans la gestion de la nature, sont intervenus pour l’entretien
des murets et pour la taille des haies sur le chemin communal.
L’ensemble des actions mises en place par le CREN fait du site de la Pierre-Levée un espace très intéressant de conservation des espèces aussi bien animales (Azuré du serpolet, …) que végétales (orchidées, …).
Les journées d’animation sont toujours appréciées pour découvrir ces richesses biologiques !

Bernard Comte, Maire de Bougon.

Le Conservatoire intervient pour la préservation du site de la Pierre-Levée depuis 2001, en partenariat avec les acteurs locaux, dans le cadre des mesures compensatoires d’un aménagement foncier mené à la fin des années 1990. Ainsi, il gère, sous bail emphytéotique de 99 ans, une dizaine d’hectares appartenant aux communes de Bougon et d’Exoudun.

Un bocage de plaine

Ce site, d’environ 25 hectares, appartient à l’entité paysagère n°305 « les terres rouges bocagères » de l’Inventaire des paysages de Poitou-Charentes. Les secteurs bocagers y sont globalement plus secs et moins étendus que leurs voisins, installés sur le socle ancien (Gâtine de Parthenay, Bocage bressuirais). Ici, le bocage se cantonne aux rebords des plateaux calcaires et apparaît comme relictuel tant les espaces environnants se sont ouverts, suite à des réaménagements fonciers successifs. Le site de la Pierre-Levée illustre parfaitement cette typicité puisqu’il domine une vallée sèche rejoignant la vallée de la Sèvre Niortaise, qui elle-même serpente dans un paysage ouvert, ponctué de noyers isolés.

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Outarde canepetiere tetrax tetrax ©c-auburtin

Un bocage singulier…

Ce bocage s’organise selon une trame paysagère composée de haies et de murets. D’origine minérale, avec en point d’orgue le dolmen campé en son centre, le site de la Pierre-Levée
comporte de nombreux murets de pierres sèches qui délimitent toujours le parcellaire. Sur ce maillage minéral de qualité s’est imposé le végétal. Il apparaît tantôt en remplacement des petits murs dégradés, tantôt en doublement des linéaires conservés ou le long des chemins empierrés. À cette combinaison spatiale entre murets et milieux naturels s’ajoute celle des
couleurs, multiples et fortement renouvelées au fil des saisons. Pâtures, haies, boisements, fourrés et pierriers se succèdent, offrant le temps d’une balade une variété d’ambiances aussi remarquables qu’inattendues.

…réservoir de biodiversité

Cette mosaïque permet l’accueil d’une grande diversité floristique et faunistique, allant des insectes liés aux zones de prairies riches en fleurs, aux oiseaux favorisés par la complémentarité des milieux herbacés et des haies arbustives, en passant par les reptiles, pour lesquels la présence des murets est un atout supplémentaire. À plus grande échelle, ce site est inclus dans la Zone de Protection Spéciale « Plaine de la Mothe-Saint-Héray-Lezay » qui joue un rôle important pour la conservation des oiseaux de plaine liés aux milieux cultivés, en particulier
l’emblématique Outarde canepetière. Ainsi, le site permet la nidification de plusieurs de ces espèces, mais il constitue surtout une ressource alimentaire intéressante pour les jeunes, grâce à la quantité d’insectes (principalement les criquets) que la gestion des prairies favorise.

Une gestion concertée…

chantier d'entretien des murets (étudiants du lycée agricole de Melle)

chantier d’entretien des murets (étudiants du lycée agricole de Melle)

Pour répondre aux enjeux du site que sont l’avifaune de plaine et la richesse biologique associée aux prairies, la gestion mise en oeuvre jusqu’alors était principalement axée sur un entretien par fauche tardive avec exportation. Ainsi, neuf hectares sont confiés en gestion à un exploitant local par le biais d’un prêt à usage sur bien foncier. 3,5 hectares ont été ensemencés en 2004 en « fétuque-ray-grass-trèfle » dans le cadre d’une contractualisation « Jachère Environnement Faune Sauvage » avec la Fédération départementale des chasseurs, tandis que le couvert « spontané » des 5,5 hectares restant a été conservé en raison d’un potentiel floristique intéressant. Suite à l’expérience acquise et aux suivis scientifiques menés dans le cadre de ces premières années d’entretien, une fauche plus précoce sera réalisée dès 2016 sur une partie des prairies pour améliorer davantage leur composition floristique. Un pâturage ovin est aussi envisagé à moyen terme.
En parallèle, un plan de gestion des haies et des murets a été réalisé en 2006 par Prom’haies, afin d’allier la restauration paysagère de ce bocage spécifique avec l’amélioration de sa fonctionnalité biologique. Une première phase de travaux portant sur 650 m de haies a été conduite en 2010 selon différentes techniques (plantation, mise en andains, recépage, utilisation de BRF, …), ainsi que la restauration de 750 m de murets en 2012 par un chantier d’insertion de l’Association Intermédiaire du Saint-Maixentais. Ce site sert aussi régulièrement de support pour la réalisation de chantiers écoles menés en partenariat avec le Lycée agricole Jacques Bujault de Melle.

 

Témoignage

Les parcelles de prairies situées sur le site de la Pierre-Levée sont sur des terrains dits de « petite terre de groie » ( ou « piatin » en patois…) peu productives notamment les années sèches. Il est intéressant de retrouver des territoires naturels et authentiques caractérisés par des plantes qui auraient disparues avec l ‘agriculture moderne (orchidées, marjolaine….) et ainsi de préserver tout un écosystème.

Erwan Lancereau, exploitant agricole des parcelles du Conservatoire.

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Azure du serpolet ©m_wagner

…évaluée par des suivis

Afin de suivre l’impact des mesures de gestion en fonction des objectifs fixés, le Conservatoire a confié aux associations locales (Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres, Deux-Sèvres Nature Environnement et Goutte de Sèvre) une étude entre 2005 et 2011. Ces suivis concernaient d’une part, les habitats, les orchidées et les papillons pour évaluer la richesse spécifique liée aux prairies, et d’autre part, l’enjeu oiseaux de plaine, avec l’estimation de l’abondance en orthoptères (criquets et sauterelles), ainsi gestion mise en place et l’analyse de ces premiers résultats a permis de définir les actions à conduire dans le nouveau document de gestion pour la période 2016-2020.

Pour les curieux de Nature

Parmi la vingtaine d’espèces d’intérêt patrimonial visibles sur ce site, trois attirent particulièrement l’attention par leur adaptation surprenante :
– l’Azuré du Serpolet est un papillon qui pond sur une plante, l’Origan, et dont les larves sont par la suite prises en charge et nourries par des fourmis.
– un passereau, la Pie-grièche écorcheur, empale les insectes qu’il attrape sur les épines de prunelliers ou sur les clôtures barbelées, en guise de garde-manger.
– l’Ophrys abeille est une orchidée dont les fleurs présentent des couleurs et des motifs semblables à des insectes, afin d’attirer ces derniers et ainsi permettre sa pollinisation.
La découverte des nombreuses richesses biologiques, paysagères et culturelles de ce site est proposée régulièrement au grand public et aux scolaires lors d’animations nature.